HISTORIQUE

Histoire du SEL appelé LETS à l’origine (Local Exchange Trading System)

La source :

« L’économie, c’est l’espace où nous nous laissons aller à notre penchant naturel pour l’échange et le troc. Nous sommes encore en train de troquer, d’échanger. Nous le ferons toujours. La monnaie est seulement le moyen le plus efficace pour le faire.(…) Les économistes distinguent en général trois fonctions de la monnaie : c’est un moyen d’échanges, une unité de compte et un moyen de stocker de la valeur ». (David Graeber).

A la suite des crises provoquées par le capitalisme dans son train d’ascensions et de chutes, plusieurs tentatives d’expériences de lancement d’une monnaie locale ont eu lieu, mais c’est l’ouvrage de Silvio Gesell (1862-1930) : « l’ordre économique naturel » qui a conféré à ces expériences leur portée théorique. Gesell a donné sa doctrine à l’école dite de « l’économie libre » qui récuse la monnaie conventionnelle en raison de sa fonction double, instrument de circulation et de thésaurisation, qui oppose l’intérêt des acteurs à l’intérêt collectif.

Dans le cadre d’une « économie naturelle », il convenait au contraire que l’intérêt égoïste de chacun concoure au bien commun. Il fallait donc redéfinir l’argent de telle sorte que les nantis aient avantage à s’en débarrasser, c’est-à-dire à le faire circuler. L’activité économique s’en trouverait accélérée, la demande de biens serait accrue et l’accès au crédit facilité.

Les premiers systèmes d’échanges en Autriche

Pendant la crise des années 30, une expérience célèbre eut lieu à l’initiative du maire de Worgl, une petite ville du Tyrol autrichien. Celui-ci, voyant  le chômage et la pénurie s’étendre, l’infrastructure de sa ville se fragiliser, décida de s’inspirer des théories de Gesell et de créer une monnaie locale dont la caractéristique principale serait  de se déprécier de1% tous les mois (pour qu’un billet reste valable, un timbre devait être apposé au billet un jour donné de chaque mois). L’argent local se mit à circuler à toute vitesse car les gens avaient intérêt à le dépenser, et devaient le dépenser localement, dans le seul circuit fermé où il avait cours.

En une année l’économie locale reprit du souffle et le nombre des chômeurs baissa considérablement. Worgl devint un centre d’intérêt pour les économistes du monde entier. Mais, alors que d’autres communes autrichiennes s’apprêtaient à suivre son exemple, la Banque Nationale Autrichienne entreprit une action en justice et ce système d’économie alternative disparut en 1933. Ce système d’une monnaie qui se déprécie chaque mois, existe toujours en Bavière, c’est le « Chiemgauer ».

Les premiers LETS au Canada

Les années 60 et 70 aux États-Unis ont vu de nombreuses expérimentations sociales, et entre autres, des systèmes d’échange de savoirs et des réseaux de baby-sitting, souvent basés sur une mesure en heures ou en points.

Dans les années 70, la région de Vancouver, au Canada, connaissait un fort mouvement de retour à la terre, avec des expériences coopératives et communautaires. De plus, la fermeture de l’industrie minière avait provoqué une augmentation du chômage. Les gens manquaient d’argent.

En 1976, dans la ville de Vancouver, David Weston lance un système d’échanges appelé Community Exchange (échanges communautaires), où la mesure des échanges est fondée sur le temps. Puis il lance un système semblable sur l’île de Vancouver, tandis qu’il donne des conférences-ateliers au cours desquelles un jeu montre aux gens comment l’argent « normal » va toujours aux personnes et régions plus riches, mais  manque aux personnes et  régions pauvres.

Le système de David Weston devenu le Green Dollar Exchange (échanges en dollars verts) se développe. Ce système recommande le rapport de salaires 1/3, c’est-à-dire, salaire minimum de 6 dollars/heure, maximum 18 dollars/heure (on est loin du rapport actuel de plus de 1 à 100). Il apporte aussi une limite au solde négatif, afin d’éviter des débits trop grands. De plus il s’appuie sur la participation et la responsabilité des adhérents, avec des réunions régulières.

Inspiré par cette idée, Michael Linton démarre, en 1983, toujours sur l’île de Vancouver, un système d’échanges fondé non plus sur l’unité de temps, mais sur le Green Dollar (dollar vert), qui a une valeur équivalente au dollar canadien. Il appelle ce système Local Exchange Trading System, LETS (Système d’échanges et de commerce local). Il réalise un logiciel informatique de gestion des échanges. Il crée une entreprise, Landsman Limited, afin de mettre en place un système expérimental et de diffuser ses idées. Le LETS de Michael Linton se développe très vite, des entreprises locales  participent.

Mais deux ans et demi plus tard, le système s’effondre. Des adhérents du système expliquent qu’il a « mal tourné ». Afin de ne pas refaire ces erreurs, voyons les raisons qu’ils donnent.

Le système était dirigé par une seule personne, sans participation des adhérents. Cela contribuait à un manque de confiance, et les membres ne pouvaient pas intervenir lorsque les choses allaient de travers.

Il s’est trouvé qu’un participant avait un débit de 14 000 « dollars verts ». On a eu l’impression qu’il profitait du système « sur le dos » des autres. Une telle dette, par rapport au taux d’intérêt de 12% à l’époque, représente un gain de 140 dollars par mois.

Le système s’est révélé trop peu transparent. Bien que les règles prévoient qu’un adhérent pouvait demander le solde et le mouvement de chaque compte, en fait,  personne ne le faisait. On invoquait la Confiance. En réalité, une demande de connaître le solde d’un compte devait être transmise à la personne concernée, démarche difficile et dissuasive. Les entreprises atteignaient des hauts crédits sans possibilité de les dépenser. Deux ont fait faillite. Elles auraient aussi souhaité la possibilité de gérer informatiquement leur compte.

Linton espérait que le système puisse augmenter jusqu’à des proportions énormes, ce qui s’est révélé irréaliste. De plus, il comptait sur le LETS, considéré comme une entreprise de services, pour assurer son propre revenu tandis qu’il développait et diffusait le concept LETS. Mais c’était une charge financière trop importante pour un groupe expérimental local.

Les LETS dans les pays anglo-saxons

Dès la fin des années 80, les systèmes LETS commençaient à proliférer en Angleterre, dans des zones où le chômage atteignait des taux record. Et cela, selon une dynamique de réseau : un véritable kit contenant des conseils, des encouragements, des adresses, des échantillons de « chèque », de bilan comptable, de listes de services, et même un logiciel, est mis à disposition de tout groupe débutant, mais chacun à la tâche d’adapter le dispositif aux particularités locales.

La « charte » LETS, qui donne son identité au système, inclut les principes suivants :

  1. Les participants évaluent eux-mêmes les transactions ;
  2. Il n’y a pas d’obligation d’accomplir des transactions ;
  3. Le système LETS tient la comptabilité des échanges en termes de débit et de crédit, évalués selon une « unité de compte » définie localement ;
  4. Seules ces unités entrent dans la comptabilité, mais un complément monétaire peut être convenu lors d’une transaction, dans le cas notamment où le service entraîne un coût monétaire (essence, achat de matériel…) ;
  5. Le système central diffuse les offres de service émanant des participants, mais n’est pas responsable de la qualité de ces services, de la compétence de ceux qui les proposent ou de leurs problèmes de taxes et d’impôts;
  6. L’état du compte de chacun peut être communiqué à d’autres, et la situation de tous les comptes peut être périodiquement communiquée à tous.
  7. Enfin, et surtout, les comptes en crédit ou en débit ne donnent lieu à aucun intérêt, et les membres ne sont pas tenus d’ avoir un compte positif pour accéder à un service.
  8. Afin d’éviter que ce système de « compensation d’échanges locaux » ne rencontre l’écueil canadien, l’accent est mis sur la convivialité, la transparence et la participation de tous aux problèmes de fonctionnement.
  9. Un comité est prévu qui repère en temps utile les comptes « déviants » (dont le débit devient trop élevé), et cherche avec leurs détenteurs les moyens de les rééquilibrer.

On estime que les LETS ont proliféré en 1994 à raison de huit à dix par mois en Angleterre, au Canada, aux USA, en Nouvelle Zélande, en Australie, en Irlande, aux Pays-Bas. Ils dépassent désormais le millier, certains disparaissant très vite, d’autres s’étendent et essaiment. Sur les 25 LETS lancés au Canada, seulement la moitié fonctionnait encore en 1992.

Les LETS en Australie

Jill Jordan diffuse le concept du LETS, mais métissé de caractéristiques issues du Green Dollar Exchange. Et ça marche !

45 LETS en 1991, 200 en 1994, dont Blue Mountain, le plus gros LETS au monde avec 1800 adhérents.

Ces LETS sont gérés collectivement, et reprennent de nombreuses caractéristiques des Green Dollar Exchange, par exemple, les bons d’échanges. Certains posent des limites au débit. En fait chaque groupe redéfinit le système à sa convenance, introduisant une grande variété de fonctionnements. Le nom générique LETS a été adopté.

Les LETS en Europe

A partir de 1984, David Weston introduit ses idées en Grande Bretagne par une série de conférences. Le premier LETS britannique démarre à Norwich en 1985. Le nombre de LETS augmente très lentement. Puis un climat favorable se développe, avec l’aggravation de la récession économique, la publication d’un livre sur les LETS, et l’intérêt des médias. En 1991, Liz Shephard organise une conférence nationale sur les LETS. Avec l’appui unanime de la conférence, elle lance Letslink UK, réseau de LETS et agence de développement, et y travaille à temps complet.

A partir de 1991, le développement est exponentiel, et il y a aujourd’hui au moins 600 LETS en Grande Bretagne. En Belgique on expérimente déjà à Gand, Louvain et Anvers, et on discute à Bruxelles.

L’origine et l’historique du SEL : Systèmes d’Échanges Locaux

Développement du SEL en France

En France, Richard Knights du LETS de Totnes, de Grande-Bretagne, donne une conférence pendant les journées d’été du CIEPAD (Carrefour d’Echanges et de Pratiques Appliquées au Développement) en 1994.

Trois Ariégeois sont présents, et le SEL de l’Ariège est lancé en octobre de la même année. Ce SEL prend en charge la traduction et la diffusion de l’Infopack ( « SEL mode d’emploi » anglais). Cet Infopack, l’engouement des médias, et l’enthousiasme des pionniers provoquent un développement rapide.

Le premier SEL moderne de France a été créé en 1994, en Ariège. Dix ans après, il y a près de 380 SEL dans 96 départements, de taille plus ou moins modeste (de 2 à quelques centaines de membres) suivant les régions, qui permettent à plus de 20 000 personnes de procéder à des échanges.

En octobre 2009, il y avait environ 400 SEL en France.

L’origine de l’expression SEL

Création du nom : SEL = « Système d’Échange Local » en France.

Lors de ces journées en 1994, il a été remarqué que la traduction en français du titre « Local Exchange Trading System » comportait le mot « Trading » = commerce, terme qui n’était pas vraiment en harmonie avec l’esprit des échanges en monnaies locales. Il a été suggéré de supprimer le mot  « trading » dans le titre pour garder les 3 mots « Local Exchange System » et de le convertir en SEL : SYSTEME d’ ECHANGE LOCAL

Le nom des SEL français était né, SEL comme le sel de la vie, y mettre son grain de SEL …

Création de SEL’idaire

Dans le département de l’Ariège, est créée en mai 1995, la coordination des Systèmes d’Échanges Locaux.
Son but : donner des outils pour faciliter et stimuler l’organisation, le développement et la création des SEL.

En mars 2003, la coordination des SEL, est remplacée par une association nationale « SEL’ idaire »

Historiquement, SEL’ idaire est née de la volonté de :

  • promouvoir en France la diffusion des informations sur les SEL
  • favoriser leur création et leur développement
  • faciliter la communication entre eux.

Sur le site internet de SEL’ idaire, on peut trouver :

  • une carte de France, qui indique les coordonnées des SEL, dans chaque département
  • tout un mode d’emploi pour créer un nouveau SEL


Le nom de la monnaie est différent selon chaque SEL : grains de sel, galets, turones, cristaux, pétales, ardoises, etc…

Création des SEL à Tours, en Indre et Loire

et de SEL Touraine

Dans le département d’Indre et Loire, le premier S.E.L est créé en 1994 dans la foulée du développement des S.E.L en Ariège. Trois personnes (Pierre Odet, Liliane Truchot et Alain Guiller) sont à l’origine de la création de ce premier S.E.L dans le  37.

En 1997, est créé le SEL Racan Choisille, SEL plutôt rural, dont la plupart des adhérents résident dans le nord du département.

En février 2006, se forme le SEL Touraine qui réaffirme les basiques des SEL.

En 2010, à partir du SEL Touraine devenu trop important, certains SEListes s’en détachent pour constituer  le SEL de Loire.

Puis, des SEL se développent dans diverses parties du département:

Le SEL du Lochois, localisé  à Loches en novembre  2009

Le SEL Enjoué en janvier 2014, à Joué Les Tours,

Et d’autres petites unités, comme à Bléré ou  Saint Avertin.

Les Systèmes d’ Échanges Locaux, ou Services d’ Échanges Locaux, sont des groupes de personnes qui pratiquent l’échange multilatéral de biens, de services, et de savoirs. Après cette définition générique, chaque association est spécifique et se distingue par son propre fonctionnement interne, sa localisation et ses adhérents.

Création de la Route des SEL

En 1999 est créé l’ association La Route des SEL, qui a pour but de favoriser les rencontres entre les adhérents des SEL en utilisant leurs possibilités d’hébergement, dans toute la France et même dans le monde entier.

Source : https://route-des-sel.org/